Le nombre de véhicules transportés par ferry sur la traversée de la Manche fut multiplié par deux entre 1952 et 1957, pour atteindre 152 000 cette dernière année. A cette époque, la construction de car-ferries est très fréquente dans les pays scandinaves qui en possèdent déjà de très gros. C'est dans ce contexte que la Société Nationale des Chemins de Fer Français décida de suivre l'exemple britannique et de s’intéresser à ce trafic sur le Transmanche. Elle fit donc construire à son tour un ferry. Premier navire de ce type construit en France et le huitième navire à passagers de l’armement naval de la S.N.C.F. Son exploitation est assurée par la Société Anonyme de Gérance et d’Armement (SAGA). C'est un navire destiné à de courtes traversées. Il est donc dépourvu de cabines mais peut accueillir un millier de passagers. La mise en service de Compiègne s'accompagne d'une refonte de la gare maritime de Calais afin de mieux adapter celle-ci au nombre croissant de voyageurs.
Il fut commandé aux chantiers Loire-Normandie de Grand - Quevilly par la Société Nationale des Chemins de Fer Français en 1956 afin de répondre à la demande croissante de transport d'automobiles sur le détroit de la Manche. Sa construction débute le 10 juin 1957 et est particulièrement surveillée par le Bureau Veritas en raison des innovations qu'il présente (deux ponts à l'avant pour les voitures, un pont à l'arrière pour les camions et les cars, une timonerie à l'avant et à l'arrière de même qu'un gouvernail à chaque extrémité afin de faciliter les manœuvres au port). Il est lancé le 7 mars 1958, malgré une crue de la Seine, après avoir été baptisé par le Révérend Père Chanell, Madame Porchez étant la marraine du navire.
Le 3 juillet 1958, Compiègne effectue ses premiers essais. Il arrive à Calais, son port d'attache, sous les ordres du Commandant Lacoste le 7 juillet, jour de sa livraison. Le lendemain, il procède à de nouveaux essais en mer ainsi qu'à des essais d'accostage à Douvres. Il effectue son premier voyage commercial entre Calais et Douvres le 22 juillet 1958 après une sortie en mer d'une heure destinée à le présenter aux diverses personnalités. En service commercial, il accomplira durant la saison jusqu'à trois rotations complètes par jour.
Le 12 octobre, Compiègne est transféré sur la ligne Boulogne-Douvres pour y remplacer Lord Warden parti en révision annuelle. Il y restera jusqu'en janvier 1959 puis sera révisé à Dieppe. Au préalable, la cale de radoub où ces travaux furent effectués, dut être spécialement aménagée, Compiègne étant alors le plus grand navire qu'elle ait jamais accueilli à cette date.
En février 1965, sa coque noire est repeinte en bleu avec cheminée rouge comme celle des autres navires de la ligne.
Le 2 novembre 1969, à la fin de sa saison estivale, il quitte Calais pour gagner les Chantiers de Normandie au Havre où sa porte arrière doit être agrandie afin de faciliter l’embarquement. Ces travaux seront terminés en janvier 1970. Quelques mois plus tard, le 1er septembre 1970, il effectue sa 10.000ème traversée du Détroit depuis son entrée en service.
Comme les autres navires gérés par la Société Anonyme de Gérance et d'Armement, il passe lors du retrait de celle-ci le 1er octobre 1974 sous le contrôle de la Société Nationale des Chemins de Fer Français, qui en est le propriétaire.
Il est retiré du service et désarmé à Calais à la fin de l'année 1980 mais reste susceptible de naviguer à nouveau pour la S.N.C.F. durant les arrêts des autres navires de la flotte.
Vendu pour 6 millions de francs à la Calypso Shipping C° de Monrovia (Liberia) pour Strintzis Line Shipping S.A. en août 1981, mais restant à la disposition de la S.N.C.F. jusqu'au 20 octobre en cas de défaillance de l'une de ses unités, il quitte définitivement Calais le 24 octobre après avoir traversé le Channel 22.712 fois. Il devient alors Ionian Glory et effectue des traversées régulières entre Brindisi - Patras dès l’été 1982 et ce jusqu’en 1987 (avec quelques modifications dans les escales). Cette exploitation est interrompue en décembre 1983 car le ferry est affrété par l'O.N.U. (avec quatre autres navires de la même compagnie) pour l'évacuation de 4 000 Palestiniens de Tripoli (Liban) vers le Yemen du Sud, l'Algérie et la Tunisie.
Durant l’été 1987, Strintzis utilise le ferry entre Ancône et le grand port croate de Split. Mais il retrouve le sud de l’Adriatique (entre Patras et Brindisi l’année suivante pour le compte de Seven Island Lines.
En 1989, son nom devient Queen Vergina. Il est alors exploité par Vergina Lines, une filiale de Strintzis, sur une ligne Le Pirée - Chypre - Haïfa - Alexandrie.
L’expérience ne sera pas renouvelée et en 1990, il est acquis par Liano Shipping Ltd. de Malte, devient Freedom I et sert sous ce nom, à partir du 29 mai 1990, d'hébergement pour émigrés dans le port de Malmö. Il quitte ce port le 5 avril 1991 pour Le Pirée où il arrive pour réparations et remise en état le 19 avril et qu'il ne quitte pas, restant désarmé pendant plusieurs mois.
Acquis aux enchères par la société saoudienne Raneem Shipping & Maritime Transport après la faillite de son propriétaire, il devient en 1994 Katarina et assure en mer Rouge des voyages pour pèlerins. Cette activité est partagée par plusieurs compagnies et en 1995, le navire devient propriété de Waad Shipping C° et devient Al Ameehra. Le projet de cette société ne se concrétise pas et le ferry ne quitte pas le port d’Alexandrie où il sert une nouvelle fois d’hébergement pour travailleurs.
Enfin, après une remarquable carrière longue de 54 ans, le vieux ferry est démoli en Égypte en 2012.
Les photos de ce navire sur Shipspotting et sur www.doverferryphotosforums.co.uk
Nos livres d'histoire maritime |